L'intelligence artificielle, par Antoine Lorotte

vendredi 2 mars 2018 12:15-14:00, Hôtel Lausanne Palace
Organisateur(s):
  • Jacques-André Haury

Antoine Lorotte introduit son sujet de présentation en rappelant que le logiciel AlphaGo a réussi à battre les meilleurs joueurs de Go – jeu plus complexe que le jeu d'échecs. Ce logiciel qui mettait plusieurs mois pour dépasser les meilleurs humains avait été développé par DeepMind, racheté par Google. La prochaine étape était le développement de AlphaGo Zero: Apprentissage par renforcement en ne donnant que les règles du jeu. Le nouveau programme ne mettait que 40 jours pour battre AlphaGo. AlphaGo Zero est meilleur s’il apprend en jouant contre lui-même que s’il apprend depuis des parties avec des joueurs humains.

Cette évolution pose la question de l'intelligence artificielle qui est définie ainsi: Faire faire à une machine des tâches que l'être humain accomplit en utilisant son intelligence.

Les débuts du développement d'une intelligence artificielle (IA) – essentiellement aux Etats Unis – se situent dans les années 1940-50 avec la présentation du test de Turing en 1950 qui a démontré l'incapacité à faire la différence entre un interlocuteur humain ou une machine. L’évolution de l’IA suit celle de la puissance de calcul (CPU). Aujourd’hui, le terme IA est beaucoup utilisé par le marketing ce qui n’a pas toujours été le cas. Les recherches en IA ont commencé en 1956, mais il faudra attendre 1997 pour obtenir des résultats concluants: Deep Blue d'IBM bat Kasparov aux échecs. En 2011 Watson d'IBM gagne au jeu télévisé Jeopardy, et en 2012 la force d'apprentissage profonde (deep learning) est démontrée. Depuis les investissements et peu après les premières applications estampillées "IA" sont en croissance exponentielle.
La théorie derrière l’apprentissage profond existe depuis les années 80, mais ça n’a percé que grâce à l'augmentation de la puissance de calcul et le big data. Le principe d’apprentissage est à l’opposé d’une programmation en dur (if, then, else, for, while). Les algorithmes d'apprentissage profond sont basés sur des réseaux neurones artificiels multicouches. Ils sont calqués schématiquement sur le fonctionnement des neurones humains dans le cortex et sont très compliqués à programmer pour que ça fonctionne (nombre de couches, algorithmes etc.), mais on a réussi à les faire fonctionner. On ne comprend pas pourquoi telle configuration de réseaux neurones fonctionne et telle autre pas. Il n'est donc pas possible d'expliquer comment la machine trouve le résultat (complètement opaque !).

Notre orateur retrace l'évolution avec l'exemple du jeu d’échecs : Dans les années 1950, la programmation se faisait en dur à partir des règles du jeu avec un comportement déterministe (if, then, else, for, while). Dans les années 1980, l'apprentissage était basé sur les parties passées (chaque coup se base sur l’historique des parties jouées), et depuis les années 2010 un réseau neurones artificiels s’auto-ajuste après chaque coup et partie joués.

Un autre exemple est la reconnaissance d'images où la machine a besoin d'une quantité immense d'images et ne peut pas expliquer comment elle arrive au résultat tandis que l'être humain a la capacité de généraliser à partir de très peu d'exemples et peut expliquer comment il arrive au résultat. Si la machine peut statistiquement devenir meilleur que l'humain, l'homme est individuellement plus fiable que la machine (pas d'erreur grossière).

Depuis 2016/17 l'IA trouve un très vaste champ d'applications. Exemples:

Transports: véhicules autonomes, assistants personnels: Siri, Alexa, Cortana. Robotique, recherche scientifique....
Watson Health : (avec interface vocale) aide au diagnostic (meilleur que l’humain dans l’analyse d’image) et à l’établissement du protocole de traitement pour le patient, https://www.ibm.com/watson/health
KAI : (avec interface vocale) assistant bancaire personnel pour les clients, http://kasisto.com/kai-banking/
ROSS : (avec interface vocale) Assistant pour la recherche dans la documentation juridique (lois, jurisprudence…), http://www.rossintelligence.com/
VALCRI : Programme financé par l’UE pour aider les investigations policières (recoupement de données et d’indices…), http://valcri.org/
HART : Programme de décision pour remettre en liberté (conditionnelle) des individus ayant commis un délit en évaluant le risque de récidive en fonction de leur profil. En test dans la ville de Durham. Utilise une méthode d’apprentissage automatique basée sur les « forêts d’arbres décisionnels », http://www.crim.cam.ac.uk/alumni/theses/Sheena%20Urwin%20Thesis%2012-12-2016.pdf
RAVN : Gestion de la documentation en entreprise : classement, recherche et analyse,  https://imanage.com/product/ravn/
Sensei : Aide à la création de documents avec du contenu graphique, http://www.adobe.com/ch_fr/sensei.html
Jeux : AlphaGo de DeepMind/Google meilleur que l’humain au jeu de Go, https://fr.wikipedia.org/wiki/AlphaGo
Libratus développé par Université de Carnegie Mellon : meilleur que l’humain au poker à 2 (2017), https://fr.wikipedia.org/wiki/Libratus
Vision critique de la réalité de l’IA aujourd’hui, par un directeur de DARPA,
https://www.youtube.com/watch?v=-O01G3tSYpU

Les changements liés au développement de l'IA suscitent de nombreuses questions concernant l'évolution de la société. Création et destruction d’emplois ? Transformation radicale de la société? Selon l'avis de notre ami Antoine Lorotte, la presse amplifie et extrapole la réalité des résultats. Prochaine étape selon DARPA : la machine doit pouvoir expliquer son fonctionnement à l’humain. Le progrès en IA intensifie la réflexion importante sur l’identité humaine: Qu’est-ce que l’intelligence ? Qu’est-ce que la personnalité ? Qu’est-ce que la conscience ? Qu’est-ce que l’être humain ?

Actuellement des nouvelles sur des "avancées" dues à l'IA tombent presque quotidiennement:
Huawei rejoint Apple en mettant un chip réseau neurone dans son smartphone. Surtout utilisé pour la reconnaissance d’image, https://ai.intel.com/intel-nervana-neural-network-processor/
Bitmain : https://www.businesswire.com/news/home/20171025005379/en/Bitmain-Introduces-Hardware-Accelerating-Artificial-Intelligence-AI
Captchas beaten by IA, https://spectrum.ieee.org/tech-talk/robotics/artificial-intelligence/artificialintelligence-beats-captcha
Babylon Health GP at Hand : pour la NHS (National Health Service) au Royaume-Uni, consultation d’un docteur via une application smartphone. Le premier « docteur » est d’abord virtuel (IA), puis on peut demander un rdv par webcam avec un vrai docteur.
Alphabet – Waymo : https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=aaOB-ErYq6Y
Cray : https://www.cray.com/solutions/artificial-intelligence
BMW – E3 way concept : https://www.wired.com/story/bmw-elevated-bike-cyclist-paths-concept/
Nvidia/GE Healthcare/Nuance alliance : https://blogs.nvidia.com/blog/2017/11/26/ai-medical-imaging/
Tesla AI chip : https://www.theverge.com/2017/12/8/16750560/tesla-custom-ai-chips-hardware
Huawei and Baidu alliance : http://www.huawei.com/en/press-events/news/2017/12/Huawei-Baidu-Strategic-Agreement-MobileAI
Nvidia – Drive PX Pegasus : carte électronique pour le déploiement de systèmes de conduite autonome, https://www.nvidia.com/en-us/self-driving-cars/drive-px/
Nuance – Dragon Drive, https://www.voicebot.ai/2018/01/17/dragon-drive-nuance-provides-automakers-voice-interaction-edge/
IBM – Watson aux Grammy Awards : http://www.businessinsider.com/sc/ibm-watson-grammy-awards-music-2018-1?IR=T
IPSoft – Amelia : https://www.credit-suisse.com/corporate/en/articles/news-and-expertise/amelia-artificial-intelligence-in-action-at-credit-suisse-201802.html
Amazon – Alexa : https://www.tomsguide.fr/actualite/amazon-chip-intel-nvidia,61335.html

Et en conclusion une phrase de Woody Allen: "L'intelligence artificielle se définit comme le contraire de la bêtise naturelle".

Au moment des questions, la multitude de remarques et interrogations de nos amis et amies rotariens sont à l'image du vaste champ de possibles changements que l'IA peut potentiellement provoquer pour la vie de tous et la société en général: L'IA peut-elle servir à éclairer le mystères de l'humanité? Quid de la responsabilité quand une voiture autonome provoque un accident sans savoir expliquer sa manière d'agir? Quels moyens existent pour comprendre et contrôler les flux d'argent avec les blockchains? Plus besoin de radiologues dans vingt ans et à qui la responsabilité pour les diagnostiques à l'avenir? Les lois d'Asimov seront-elles respectées? Les machines supplanteront-elles le cerveau humain ou resteront-elles au service de l'homme? A quand les enjeux de pouvoir entre les machines (robots) et les hommes? Arriverons-nous à relever les défis pour la société suffisamment rapidement pour légiférer et imposer les règles démocratiques afin de garantir le contrôle de l'humanité sur des machines de plus en plus puissantes? Selon quels principes morales traiterons-nous ces questions qui se poseront au niveau mondial?

Notre orateur concède que l'évolution de l'IA nous posera devant de nouveaux défis auxquels il faudra faire face. Il ne partage cependant pas les craintes exprimées par certains en ce qui concerne la perte de contrôle, mais met en avant l'évolution de l'IA en dents de scie par le passé et le temps nécessaire à l'implantation de nouvelles découvertes pour une application à grande échelle. Est-ce que cela laissera le temps pour prévenir des dérives?

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