Compte-rendu de la conférence de Max Blaser, « Consommation et commerce de viande : la réalité derrière les polémiques », par Michel Etter

föstudagur, 7. maí 2021 11:30-12:30, Visio-conférence
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  • Line Dépraz

Dans le cadre des Z'apéros, nous avons eu le plaisir d'entendre Max Blaser. Il est né en 1964, marié et a trois enfants adultes. De profession maître boucher, avec diplôme fédéral de chef de vente et diplôme de culture théologique. Il est membre du Rotary Club de Payerne-La Broye depuis 2010.

Jusqu’en 2009, il était actif à la vente chez les grands distributeurs (Coop et Migros), puis dès 2009 comme créateur du magasin "Le Cochon d’Or" (www.cochondor.ch). Aujourd’hui, ce magasin, situé à Payerne, fait 500 m2 de surfaces de vente. Vous y trouverez des viandes, comestibles en tout genre et service de traiteur à l’emporter depuis 2020. Il y a 20 employés.

Max Blaser a été conseiller synodal de l'EERV entre 2006 et 2011. Il a été réélu ce printemps comme syndic de Villarzel.

Compte-rendu de Michel Etter 

Max Blaser est une personnalité de la Broye vaudoise active dans le commerce de la viande, et le moins que l’on puisse dire est qu’il incarne assez bien - sans jeu de mot - la thématique chère à notre présidente, les mutations dans les professions. Et sa profession est aujourd’hui en pleine mutation : elle fait face à des défis comme l’impact écologique de la consommation de viande, la souffrance animale ou la santé. 

L’homme, un omnivore opportuniste

En replaçant nos habitudes alimentaires dans la perspective de l’histoire, Max Blaser rappelle que l’Homme a toujours mangé de tout, y compris de la viande, depuis qu’il est chasseur, et a fortiori depuis qu’il est éleveur sédentaire. La consommation de viande augmente, d’une manière générale, avec l’augmentation du niveau de vie de chaque civilisation.

 Le Suisse mange de plus en plus de viande

La consommation moyenne a pris l’ascenseur ces 50 dernières années : elle a doublé en Suisse, pour s’établir à 50 kg par habitant par année. Aux USA, pays du McDo, c’est pire : elle est de 100 kg par habitant par an. L’impact de cette surconsommation sur le climat et sur la santé est évidemment de plus en plus important. 

La souffrance animale, caractéristique des grands élevages

Il n’est pas rare que l’industrie de la viande produise aujourd’hui des élevages de plus de 100’000 têtes, qui doivent faire face à des problèmes sanitaires, ou d’épidémies, ou de déjections hors du commun. Dans ces grands ensembles, le bien-être animal n’est pas une priorité.

Une des conséquences inattendues de cette mauvaise image de boucher tueur que récolte aujourd’hui la profession est que les jeunes se démotivent et que les filières de formation se vident, signale Max Blaser. 

L’impact écologique de la viande, une réalité

Personne ne peut nier que l’agriculture d’élevage pollue beaucoup, autant que l’habitat, que l’industrie, ou les transports. Une réalité que le conférencier du jour accepte, tout en soulignant les contradictions des écologistes qui militent pour planter des cultures en lieu et place des surfaces d’élevage. Une impossibilité climatique dans notre pays, où 60% des surfaces agricoles sont impropres aux cultures.

Si on le faisait, il s’ensuivrait une pénurie alimentaire et une augmentation des prix, doublée de suppression de postes de travail et d’une perte de savoir-faire qui serait dommageable au pays. 

Impact sur la santé

En Suisse, 95% des ménages sont omnivores, 5% sont végétariens et seulement 0,5% sont réellement véganes. La viande est bien sûr une source de protéines utile à la santé, mais elle n’est pas la seule. Et sa surconsommation peut entraîner des risques d’hypertension ou de cancer. En Suisse, ces excès sont encore plutôt rares mais dans d’autres pays comme les USA, on les voit apparaître. 

L’avis d’une diététicienne

La fille cadette de Max Blaser a 25 ans. Elle est diététicienne, et elle donne son avis sur la question. Le régime végane est déficitaire en regard des besoins humains, dit-elle. Le mieux serait d’adopter un régime flexitarien, qui permet à la fois de soigner sa santé, de respecter la planète et d’avoir du plaisir à manger. Sa recommandation est de consommer consciemment, local et diversifié. 

L’assiette d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier, ni celle de demain

Avec son entreprise, Max Blaser cherche à anticiper les changements alimentaires. Il a construit une cuisine pour offrir des plats à l’emporter, livre maintenant des écoles et des crèches. Il voit l’avenir de manière réaliste, et privilégie pour conclure des valeurs qui lui tiennent à cœur comme la liberté de choix, la responsabilité et l’intelligence collective plutôt que la dictature des minorités. On croit voir à quoi il fait allusion, même en zoom… 

A l’heure des questions 

Line Depraz se demande si le climat anti-viande actuel a un impact sur l’apprentissage du métier de boucher. Sans aucun doute, répond Max. Aujourd’hui, la plupart des apprentis sont d’origine étrangère. Soit qu’ils soient chez les grands détaillants (75% de la viande est produite en Suisse par 3 géants, Coop, Migros et Fenaco) qui emploient du personnel d’origine étrangère, soit qu’ils soient chez des petits bouchers, ce qui ne va pas sans poser des problèmes d’encadrement, ces jeunes ayant souvent des parcours scolaires à problème.

Il s’engage lui dans ce sens, pour remettre les gens debout comme il dit si bien, mais souligne que ce n’est pas donné à tout le monde de savoir le faire. 

Michel Gut pose la question de savoir si la viande du boucher est meilleure que celle des grandes surfaces. Pas forcément, dit Max Blaser, qui souligne que le système CH-tax, qui fixe chaque vendredi le prix de la viande en Suisse, permet aux bouchers d’acheter des qualités particulières de viande. 

Willy Gehriger apporte des précisions. La différence de qualité se fait sur le rassissement de la viande : si la viande est bien rassie, durant 10 jours par exemple, elle subit une perte de poids par évaporation d’eau. Si la viande est vendue de suite, a contrario, on vous vend de l’eau…

Par ailleurs, Willy cite une étude intéressante de l’INRA, qui mesure l’impact de la production de viande sur le CO2. Les deux seuls pays qui obtiennent un bilan positif, selon l’étude, sont l’Autriche et la Suisse. Nos pâturages fixent en effet le CO2 s’ils sont exploités, mais si on arrêtait d’y mettre du bétail, ils pourriraient à l’automne, en rejetant du CO2 dans l’atmosphère. Un autre argument pour maintenir des vaches à la montagne ! 

Renato Panizon se demande comment est contrôlé le poisson. Max Blaser explique que le poisson, très majoritairement importé, est contrôlé deux fois : une fois à l’export et une fois à l’arrivée en Suisse. 

Jean-Daniel Marchand se demande quelle est la proportion de viande importée en Suisse. La réponse est que la Suisse consomme 81% de viande indigène et 19% de viande importée, principalement de la volaille. Cette proportion, étonnamment basse, n’est pas discutée.

Max Blaser explique en outre le système de régulation des importations, géré par Proviande. L’organisation définit les besoins d’importation pour le mois suivant, et la demande est transmise aux producteurs : 50% aux gros producteurs et 50% aux enchères. Notre système d’importation est donc lié à la production indigène, et cela fonctionne bien. 

Willy Gehriger tient à nuancer les chiffres annoncés. Même si la production de viande de volaille et de porc est suisse, leurs aliments eux ne le sont pas ! Il cite les chiffres de 80% d’aliments importés pour les élevages de volaille, et de 50% pour l’alimentation des porcs. 

Max Blaser conclut en soulignant que la Suisse est leader dans la production de la viande de porc, en particulier sur la qualité des gras, et que la station de recherche de Sempach contribue à ce leadership. 

La présidente remercie chaleureusement le conférencier du jour pour la qualité de son exposé, et lui promet un coffret de bouteilles de Luc Massy pour… faire descendre la viande ! 

Le bulletinier du jour : Michel Etter

Max Blaser