Dans le cadre des Z'apéros, nous avons eu le plaisir d'entendre Max Blaser. Il est né en 1964, marié et a trois enfants adultes. De profession maître boucher, avec diplôme fédéral de chef de vente et diplôme de culture théologique. Il est membre du Rotary Club de Payerne-La Broye depuis 2010.
Jusqu’en
2009, il était actif à la vente chez les grands distributeurs (Coop et Migros), puis dès 2009
comme créateur du magasin "Le Cochon d’Or" (www.cochondor.ch). Aujourd’hui, ce magasin, situé à Payerne, fait 500
m2 de surfaces de vente. Vous y trouverez des viandes, comestibles en tout genre et service de
traiteur à l’emporter depuis 2020. Il y a 20 employés.
Max Blaser a été conseiller synodal de l'EERV entre 2006 et 2011. Il a été réélu ce printemps comme syndic de Villarzel.
Compte-rendu de Michel Etter
Max Blaser est une
personnalité de la Broye vaudoise active dans le commerce de la viande, et le
moins que l’on puisse dire est qu’il incarne assez bien - sans jeu de mot - la
thématique chère à notre présidente, les mutations dans les professions. Et sa profession est aujourd’hui en pleine mutation : elle fait
face à des défis comme l’impact écologique de la consommation de viande, la
souffrance animale ou la santé.
L’homme, un omnivore
opportuniste
En replaçant nos habitudes
alimentaires dans la perspective de l’histoire, Max Blaser rappelle que l’Homme
a toujours mangé de tout, y compris de la viande, depuis qu’il est chasseur, et
a fortiori depuis qu’il est éleveur sédentaire. La consommation de viande
augmente, d’une manière générale, avec l’augmentation du niveau de vie de
chaque civilisation.
Le Suisse mange de plus en
plus de viande
La consommation moyenne a pris
l’ascenseur ces 50 dernières années : elle a doublé en Suisse, pour s’établir à
50 kg par habitant par année. Aux USA, pays du McDo, c’est pire : elle est de
100 kg par habitant par an. L’impact de cette surconsommation sur le climat et
sur la santé est évidemment de plus en plus important.
La souffrance animale, caractéristique
des grands élevages
Il n’est pas rare que
l’industrie de la viande produise aujourd’hui des élevages de plus de 100’000
têtes, qui doivent faire face à des problèmes sanitaires, ou d’épidémies, ou de
déjections hors du commun. Dans ces grands ensembles, le bien-être animal n’est
pas une priorité.
Une des conséquences
inattendues de cette mauvaise image de boucher tueur que récolte aujourd’hui la
profession est que les jeunes se démotivent et que les filières de formation se
vident, signale Max Blaser.
L’impact écologique de la
viande, une réalité
Personne ne peut nier que
l’agriculture d’élevage pollue beaucoup, autant que l’habitat, que l’industrie,
ou les transports. Une réalité que le conférencier du jour accepte, tout en
soulignant les contradictions des écologistes qui militent pour planter des
cultures en lieu et place des surfaces d’élevage. Une impossibilité climatique
dans notre pays, où 60% des surfaces agricoles sont impropres aux cultures.
Si on le faisait, il
s’ensuivrait une pénurie alimentaire et une augmentation des prix, doublée de
suppression de postes de travail et d’une perte de savoir-faire qui serait
dommageable au pays.
Impact sur la santé
En Suisse, 95% des ménages
sont omnivores, 5% sont végétariens et seulement 0,5% sont réellement véganes.
La viande est bien sûr une source de protéines utile à la santé, mais elle
n’est pas la seule. Et sa surconsommation peut entraîner des risques
d’hypertension ou de cancer. En Suisse, ces excès sont encore plutôt rares mais
dans d’autres pays comme les USA, on les voit apparaître.
L’avis d’une diététicienne
La fille cadette de Max Blaser
a 25 ans. Elle est diététicienne, et elle donne son avis sur la question. Le
régime végane est déficitaire en regard des besoins humains, dit-elle. Le mieux
serait d’adopter un régime flexitarien, qui permet à la fois de soigner sa
santé, de respecter la planète et d’avoir du plaisir à manger. Sa
recommandation est de consommer consciemment, local et diversifié.
L’assiette d’aujourd’hui n’est
pas celle d’hier, ni celle de demain
Avec son entreprise, Max
Blaser cherche à anticiper les changements alimentaires. Il a construit une
cuisine pour offrir des plats à l’emporter, livre maintenant des écoles et des
crèches. Il voit l’avenir de manière réaliste, et privilégie pour conclure des
valeurs qui lui tiennent à cœur comme la liberté de choix, la responsabilité et
l’intelligence collective plutôt que la dictature des minorités. On croit voir
à quoi il fait allusion, même en zoom…
A l’heure des questions
Line Depraz se
demande si le climat anti-viande actuel a un impact sur l’apprentissage du
métier de boucher. Sans aucun doute, répond Max. Aujourd’hui, la plupart des
apprentis sont d’origine étrangère. Soit qu’ils soient chez les grands détaillants
(75% de la viande est produite en Suisse par 3 géants, Coop, Migros et Fenaco)
qui emploient du personnel d’origine étrangère, soit qu’ils soient chez des
petits bouchers, ce qui ne va pas sans poser des problèmes d’encadrement, ces
jeunes ayant souvent des parcours scolaires à problème.
Il s’engage lui dans ce sens, pour remettre
les gens debout comme il dit si bien, mais souligne que ce n’est pas donné à
tout le monde de savoir le faire.
Michel Gut pose la
question de savoir si la viande du boucher est meilleure que celle des grandes
surfaces. Pas forcément, dit Max Blaser, qui souligne que le système CH-tax,
qui fixe chaque vendredi le prix de la viande en Suisse, permet aux bouchers
d’acheter des qualités particulières de viande.
Willy Gehriger
apporte des précisions. La différence de qualité se fait sur le rassissement de
la viande : si la viande est bien rassie, durant 10 jours par exemple,
elle subit une perte de poids par évaporation d’eau. Si la viande est vendue de
suite, a contrario, on vous vend de l’eau…
Par ailleurs, Willy cite une étude
intéressante de l’INRA, qui mesure l’impact de la production de viande sur le
CO2. Les deux seuls pays qui obtiennent un bilan positif, selon l’étude, sont
l’Autriche et la Suisse. Nos pâturages fixent en effet le CO2 s’ils sont
exploités, mais si on arrêtait d’y mettre du bétail, ils pourriraient à
l’automne, en rejetant du CO2 dans l’atmosphère. Un autre argument pour
maintenir des vaches à la montagne !
Renato Panizon se
demande comment est contrôlé le poisson. Max Blaser explique que le poisson,
très majoritairement importé, est contrôlé deux fois : une fois à l’export
et une fois à l’arrivée en Suisse.
Jean-Daniel Marchand se demande quelle est la proportion de viande importée en Suisse. La
réponse est que la Suisse consomme 81% de viande indigène et 19% de viande
importée, principalement de la volaille. Cette proportion, étonnamment basse,
n’est pas discutée.
Max Blaser explique en outre le système de
régulation des importations, géré par Proviande. L’organisation définit les
besoins d’importation pour le mois suivant, et la demande est transmise aux
producteurs : 50% aux gros producteurs et 50% aux enchères. Notre système
d’importation est donc lié à la production indigène, et cela fonctionne bien.
Willy Gehriger tient
à nuancer les chiffres annoncés. Même si la production de viande de volaille et
de porc est suisse, leurs aliments eux ne le sont pas ! Il cite les
chiffres de 80% d’aliments importés pour les élevages de volaille, et de 50%
pour l’alimentation des porcs.
Max Blaser conclut
en soulignant que la Suisse est leader dans la production de la viande de porc,
en particulier sur la qualité des gras, et que la station de recherche de
Sempach contribue à ce leadership.
La présidente remercie chaleureusement le conférencier
du jour pour la qualité de son exposé, et lui promet un coffret de bouteilles
de Luc Massy pour… faire descendre la viande !
Le bulletinier du jour : Michel Etter