Avouons-le, la période que nous traversons est particulièrement morose, même si, on comprend les inquiétudes de nos semblables et des autorités.
En plus, nos lunchs ont été purement et simplement reportés à une date ultérieure alors qu’ils nous permettaient, pour le temps d’un repas convivial, de nous évader de la réalité tel l’oiseau chanté par Prévert.
Durant ces lunchs, je cherchai dans les discussions que je pouvais avoir avec mon voisin de droite ou de gauche, l’inspiration ou plutôt, très secrètement, qu’il me donne l’envie de me plonger dans un livre qu’il avait particulièrement apprécié.
Ces discussions, je les préparais, comme on prépare une recette de cuisine, en triant les ingrédients dont je souhaitais retrouver les goûts dans les livres qui me seraient ainsi suggérés.
Etant donné que le but de l’exercice restait l’évasion, la distraction et le plaisir, je recherchai, la finesse, la belle plume, mais aussi la légèreté, l’humour, l’enthousiasme et, peut-être même, une certaine ivresse.
J’ai ainsi repris une envie grandissante de lire et renoué avec une littérature décomplexée, parfois légèrement insolente, mais toujours agréable.
Ainsi j’ai proposé à notre présidente, d’ouvrir une nouvelle petite rubrique où j’invite, ceux et celles d’entre-nous qui le souhaitent à présenter un livre qu’ils ont apprécié et qu’ils auraient envie de partager avec leurs amis comme on peut partager un bon repas, sans en dévoiler tous les secrets et en permettant aux convives d’en découvrir les saveurs.
Si j’ai rapidement écarté les Misérables, les poèmes de Tsvetaïeva, j’ai hésité avec la Promesse de l’aube de Gary, quelques poèmes de Prévert ou encore plus avec Le Banquier anarchiste de Pessoa. J’ai également volontairement passé sous silence les excellents livres qui m’ont été proposés par mes amis rotariens, leur laissant le soin d’en parler eux-mêmes comme ils ont si bien su le faire.
Pour permettre au plus grand nombre de se retrouver dans mon choix, celui-ci s’est porté sur une anthologie tout à fait particulière. Celle-ci est pleine de malice, parfois d’une douce insolence mais toujours de finesse. Les ouvrages qui y sont mentionnés sont ainsi revisités par un lecteur averti, critique et enjoué.
L’auteur, Frédéric Beigbeder, est un trublion de la littérature française. Son insolence et rarement gratuite, elle est comme un miroir qui reflète certains excès de notre société actuelle. Mais l’homme est intelligent et cultivé.
Il est à la littérature ce que Gainsbourg était à la chanson française. On peut ne pas les aimer, mais ils ne laissaient jamais indifférent.
Alors quoi de mieux qu’une anthologie de la littérature du XXe siècle préparée par celui qui écrit « Les chefs-d’œuvre détestent qu’on les respecte, ils préfèrent vivre, c’est-à-dire être lu, triturés, contestés…».
Dernier inventaire avant liquidation, ce sont une liste des 50 premières œuvres littéraires, telle qu’établie par les lecteurs du Monde.
Comme le disait encore l’auteur : « Ce classement est la preuve que les fêtards inconséquents sont plus grands que les philosophes intelligents ». A moins que les plus grands philosophes n’aient eu même été des fêtards que l’on ignore. L’ignore-t-on vraiment ou fait-on semblant de l’ignorer, car cela ne serait décidemment pas très sérieux. Je pense que beaucoup étaient des fêtards en puissance et j’invite les plus sceptiques à lire le Banquet d’un certain Platon. Mais là je m’égare …
Cet essai de Frédéric Beigbeder vous permettra de passer par tous les styles de la littérature du siècle dernier, de ceux de notre Francophonie jusqu’aux confins du monde en appréciant Saint-Exupéry pour ensuite redécouvrir Kundera, de devenir surréaliste avec André Breton pour être frappé par Albert Camus, pour relire l’auteur incontesté aux idées les plus contestables qu’était Céline et tout cela sans oublier les bandes dessinées d’Hergé.
Fréderic Beigbeder tente par son livre de faire mentir la boutade d’Hemingway « un chef-d’œuvre est un livre dont tout le monde parle et que personne ne lit. » Et c’est drôle …
Bonne lecture et prenez soin de vous.
Laurent Besso